Armand VIAL
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« Traversées » conjugue deux ensembles de photographies argentiques, l’un en couleur, l’autre en noir et blanc.
Si la série des compositions en couleur, présentée sur les murs, nous propose l’expérience familière du face à face, l’ensemble en noir et blanc, nous invite à un engagement différent, à la fois secret et singulier. Ici, des boîtes toilées, noires, renfermant des tirages de petits formats. Le spectateur/visiteur est convié, dans une relation de proximité et d’intimité, à manipuler lui-même les images, devenant ainsi maître du temps qu’il consacre à cette lecture, maître aussi du rythme, voire même de l’ordre de succession de ces images, créant à son tour un autre récit à l’intérieur de chaque boîte.
Deux espaces donc : l’un vertical, coloré, ouvert, frontal, l’autre enserré dans une boîte, « au secret » ou déployé au gré d’une respiration : celle du spectateur. Passer de l’un à l’autre supposera de changer d’attitude, de posture, ou mieux de disposition.
Pour chaque spectateur, debout puis assis, aller du monde coloré à celui, feuilleté, en noir et blanc, retracera le voyage maintes fois vécu par le photographe.
A chaque fois, débarqué de son pays, nourri de sons et de parfums, de saveurs, de terreurs, encore enfant, Armand Vial entrait dans l’atelier de son arrière grand-père, en Provence, en un lieu de silence : l’univers du noir et blanc, celui de l’aube de la photographie.
L’été fini, une nouvelle traversée le ramenait chez lui, en Algérie.
A l’heure où la lumière renonce à traverser un négatif pour écrire l’image, Armand Vial continue à sonder les transparences de la cuve à révéler. De l’Atelier de Photographie Detaille, à Marseille, ou Julien B. Vial, l’arrière grand-père fut formé et employé (il était d’abord peintre) à celui d’Armand Vial, toute l’histoire familiale traverse le temps de la photographie argentique.
Après le temps des départs, des douleurs, d’autres « ailleurs » ont accueilli le photographe : le théâtre et la littérature par exemple.
Les années de pratique théâtrale ont forgé son sens de la mise en scène, son goût pour la frontalité, le cadre, « ces fameux bords de l’image, ces bords du regard ».
Derrière les titres de ses œuvres apparaissent les écrivains, poètes et romanciers, véritables compagnons de route, porteurs d’utopies ou de mondes dans lesquels il se retrouve.
Territoire de silence, l’épreuve photographique associe chez Armand Vial principe de fécondité et anéantissement : les acteurs entre chair et peau, écorce et pulpe, os et noyau, vivent le drame, avec des plaques-dalles, boîtes-caveaux, et toiles-suaires pour décor… Morandi veille.
Il n’est pas indifférent à l’artiste que l’attribution du lieu d’exposition dans le cadre des Itinéraires Photographiques en Limousin offre à cette réflexion sur la Vanité un ancien lieu de recueillement…
Comme le photographe, penché sur ses cuves, à notre tour, penchés sur un coffret des « Pierres Aïeules », de soutenir l’épreuve du regard.
Christiane Deville
Février 2007