Délivrez-nous de ...
Entre cynisme et délicatesse,
violence et suavité, la série Délivrez-nous de... de Danielle Gérald,
réalisée à partir d'un autoportrait de jeunesse capturé au Polaroïd, aborde,
par de subtils contrastes, la question de la condition de la femme à travers
des aspects aussi divers que la féminité, la transculturalité ou encore la
maltraitance.
Adaptant le choix de la
technique à cette thématique, Danielle Gérald a utilisé des matières et
outils d'activités spontanément rattachées à l'univers féminin tels qu'un
fragment de tissu, une aiguille ou encore du maquillage.
Le temps ayant laissé son
empreinte sur la photographie en effaçant les traits du visage de l'artiste,
celle-ci a porté une attention toute particulière à cette partie en
travaillant essentiellement l'invention des expressions et des émotions, qui
se révèlent souvent équivoques. Ce visage occulté, portant matériellement
les marques du temps et transformé par la suite par l'artiste, apparaît
telle l'image d'une métamorphose ayant pu être induite par de fortes
expériences de vie comme la migration, ou encore le déracinement, thèmes
auxquels Danielle Gérald est particulièrement sensible. Ce lien avec des
cultures lointaines trouve une résonance plastique dans des attributs tels
que les motifs végétaux tamponnés sur le visage et les membres supérieurs de
La colère, qui évoquent directement
des tatouages tribaux.
Les
cosmétiques ainsi que les éléments rapportés agissent comme des filtres
mettant en exergue et/ou dissimulant des particularismes identitaires. S'il
est traditionnellement associé à la beauté et a pour principale fonction
d'embellir, le maquillage n'en est pas moins un moyen de camouflage.
Subterfuges permettant de masquer d'éventuelles blessures, les fards
établissent une distance avec l'autre. Certains de ces visages sont occultés
par des bandes qui renvoient tantôt à l'idée de cicatrices, tantôt à une
sensation de mutisme imposé, celui du tabou ou encore de l'interdit. Bien
qu'isolés, un grand nombre de ces corps de femmes rendent palpable une
pression sociale trop forte et traduisent l'image d'une souffrance subie.
Fragilité et vulnérabilité se dégagent ainsi de ces silhouettes à la posture
pourtant fiére et affirmée. Presque tout autant que le visage, la peau est
révélatrice des états d'âme de l'être. Ces images accordent une place
prépondérante à cet organe, porteur de stigmates éloquents, ouvrant une
brèche qui laisse entrapercevoir ou deviner un pan de l'histoire de la
personne. La dominante de tons rouges renforce cette oscillation entre
sensualité et agressivité, soumission imposée et combativité.
Marine LAPLAUD (Historienne de l'Art) |